« LES ENSEIGNEMENTS DU MAGISTERE POUR LA PROMOTION DE LA CULTURE DE LA VIE DANS LES COMMUNAUTES AFRICAINES »
Par Pierre EFFA, Emmanuel Richard DIPOKO DIBOTTO, Victor Joseph Steve EFFA ATEBA
Des origines chrétiennes
Les Organisations Internationales Catholiques (OIC) du monde de la Santé ont entrepris autour des années 1990 l’implantation d’antennes en Afrique dans le souci de garantir une présence chrétienne au sein des professions de santé en Afrique.
Soucieuses de la défense et de la protection de la vie, les OIC ont orienté les activités de l’Association des Pharmaciens Catholiques du Cameroun créée dans ce vaste mouvement, dans les années 1990, comme point d’ancrage en Afrique du Mouvement bioéthique international.
Sous la houlette de son Président et grâce à l’aura dont jouissait son Conseiller Ecclésiastique, le Père Jésuite Engelbert MVENG, l’Association des professionnels de santé a rallié les hommes d’Eglise et des religieux de plusieurs obédiences à sa cause. Elle s’est aussi ouverte aux autres corps de métiers, aux hommes de culture et aux penseurs, sans oublier les autorités traditionnelles. En somme tous les acteurs qui interviennent dans le vaste champ de la protection et la valorisation de la vie.
Ce rassemblement a donné naissance au Mouvement Africain d’Ethique et de Bioéthique (MAEB) dont l’institutionnalisation a débouché sur la création du Congrès Pan Africain d’Ethique et de Bioéthique (COPAB).
En une vingtaine d’années d’existence, le MAEB a relevé le défi de porter la problématique et le débat éthique et bioéthique au cœur des préoccupations des plus hautes sphères de décision en Afrique.
La qualité et l’impact de ses réalisations ont valu au COPAB d’être reconnu comme partenaire de l’Union Africaine lors de la rencontre de ses Ministres en charge de la Science et de la Technologie (AMCOST) qui s’est tenue du 12 au 15 novembre 2012 à Brazzaville, Congo.
De la mission du COPAB
Le COPAB est un haut lieu de rassemblement, de concertation et de dialogue de tous les acteurs du vaste champ de la défense et de la protection de la vie, en relation avec les Droits de l’Homme et le développement de l’Afrique, en conformité avec la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et s’inspirant de la Charte de la Renaissance culturelle africaine.
Aujourd’hui, le COPAB qui jouit du statut de partenaire de l’Union Africaine pour les questions de Bioéthique, a vocation d’opérer en qualité de commission scientifique et politique pour l’éthique et la bioéthique au sein de l’Union Africaine.
Sa Commission scientifique comporte des instances d’étude et de débat ou Plateformes Africaines d’Ethique qui sont des fora réunissant des Experts dans les grands chantiers de la recherche et des dilemmes éthiques. Lesdites plateformes constituent le support au système panafricain de certification en évaluation éthique.
Le défi actuel du COPAB est d’opérer une activité de ressourcement dans les communautés, pour raviver les us et coutumes propres à la protection et la valorisation de la vie, dans les mémoires collectives des communautés.
Cette initiative participe de la mise en œuvre de la mission du COPAB, en application de la Résolution de l’OUA/UA sur la Bioéthique et le Développement de l’Afrique, de contribuer à la mise en place d’un Espace Ethique Intégré dans l’ensemble du Continent africain. Ce qui, pour les pères fondateurs du MAEB, participe de la semence de l’esprit de Notre Seigneur Jésus-Christ en terre africaine.
En effet, il s’agira pour les communautés africaines de vivre l’Evangile de la Vie et de contribuer par son vécu au quotidien comme il est instruit dans l’Exhortation Apostolique Post Synodale Africae Munus, à la concrétisation du projet fondamental de promotion de la Paix, de la Justice et de la Réconciliation, gage du Développement harmonieux et durable dans le monde.
De la défense et la protection de la vie
Dans son développement, le MAEB a conservé l’essence de la doctrine catholique relative à la défense et la protection de la vie.
La dernière décade du 20ème siècle a surtout été meublée par les Journées Internationales africaines de Bioéthique (JIB). Celles-ci ont été de hauts lieux de la parole pour entretenir la palabre africaine, notamment sur la perception africaine de la bioéthique, sur les préoccupations africaines de l’heure en matière d’éthique et de bioéthique, sur le dialogue interculturel en ce qui concerne les enjeux de vie, de survie de l’espèce humaine et la préservation de la dignité, de l’intégrité et de la liberté de l’Homme.
Les thèmes des exposés et débats développés lors de ces rencontres ont été des illustrations de la « Lettre Encyclique Evangelium Vitae du Souverain Pontife Jean Paul II aux Evêques, aux Prêtres et aux Diacres, aux religieux et aux religieuses, aux fidèles laïcs et à toutes les personnes de bonne volonté sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine. » et de la « Charte des Professionnels de la Santé » du Conseil Pontifical pour la Pastorale de la Santé, qui est en quelque sorte, la mise en pratique de la Lettre Encyclique.
Il s’agit des assises suivantes :
JIB février 1994 : « Médecine Traditionnelle, Santé Communautaire et Médicament : Evolutions et Solidarité »
JIB février 1995 : « Exploration de la Culture de la Vie du Monde Africain. Ethique et Santé »,
JIB février 1996 : « Premières Journées Nationales de Bioéthique ». à l’occasion, Mgr Jean MBARGA édifia les participants sur les atteintes à la vie ; Son Eminence Christian Cardinal TUMI et Sa Majesté le Roi Ibrahim MBOMBO NJOYA, ce dernier au nom de l’Autorité traditionnelle, avaient respectivement exhorté les participants à toujours défendre la vie humaine ;
JIB septembre 1996 : « Journée Spéciale de Bioéthique » où le débat majeur animé par le Pr Alain LEJEUNE, Président de la FIPC a porté sur la réponse à donner à la question : «Quelle Humanité voulons-nous être ? quelle Humanité voulons-nous laisser à nos enfants, à nos descendants ? »
JIB février 1997 : 2èmes Journées Internationales de Bioéthique, avec la participation du Président de la FIAMC, Pr Walter OSWALD et le Président de la FIPC, Pr Alain LEJEUNE, les débats ont notamment porté sur les atteintes à la vie et les questions liées à l’avortement ;
JIB mars 1998 : « La Vie, la Paix, la Justice, Conscience Bioéthique et Solidarité ».
JIB mars 1999 : « la Vie, la Paix, la Justice : Conscience bioéthique et Solidarité » qui a connu un franc succès ;
JIB janvier 2001 : « l’Ethique de la Vie à l’ère de la Mondialisation ».
De l’appui du Centre de recherche en éthique
Au regard des résultats de ses contributions aux activités de l’OUA en 1996, notamment l’adoption de la Résolution AHG/Res.254 (XXXII) de l’OUA sur la Bioéthique et le Développement de l’Afrique par la Conférence au Sommet des Chefs d’Etat africains, lors du 32ème Sommet de l’Organisation de Unité Africaine (OUA) en Juillet 1996, et des enjeux du thème développé lors de ces dernières JIB, le MAEB a créé le Centre d’Etude et de Recherche en Éthique et en Bioéthiques (CERB) pour améliorer ses contributions dans les rencontres à organiser ou à appuyer.
Le CERB a ainsi contribué notamment à la préparation des travaux de :
- La Journée de réflexion sur le clonage humain, organisée par Son Excellence Monseigneur Eliseo Antonio ARIOTTI, Nonce Apostolique à Yaoundé, en mars 2004 ;
- La célébration de la 13èmeJournée Mondiale du Malade, en février 2005 à Yaoundé ;
- La célébration du 10èmeanniversaire de la Promulgation de l’Exhortation Apostolique post synodale Ecclesia in Africa en septembre 2005, à Yaoundé, pour ne citer que les réalisations relatives œuvres cléricales.
C’est le lieu de rappeler qu’avec l’appui du CERB, la définition du champ de la Bioéthique du MAEB offre au monde un nouveau paradigme de ce concept. Pour les bioéthiciens d’Afrique, il s’agit en réalité de respecter, de protéger et de valoriser la vie humaine en toute circonstance et en tout lieu, quelle que puisse être l’activité exercée.
Il s’agit aussi pour eux d’exprimer leur manière d’être « la lumière du monde, le sel de la terre, » tel que recommandé dans l’Exhortation Apostolique Post Synodale Africae Munus.
Par ce développement de la Bioéthique en Afrique, les pères fondateurs du MAEB entendent aussi sensibiliser les consciences africaines sur la permanence de la nécessité de protéger la vie sur le sol africain, terre d’accueil, de refuge et de tolérance, se rappelant le rôle que Dieu avait assigné à l’Afrique, avant l’Evangile, pour assurer la protection de la personne de Jésus de Nazareth, qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie ».
Des réalisations du COPAB : textes et instruments
Pour la défense et de la protection de la vie, le COPAB a produit quelques instruments et procédé à des aménagements institutionnels. Il s’agit :
- Du Protocole à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur la bioéthique comme instrument de décision en bioéthique de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, adoptée en juin 1981 à Nairobi et la Charte de la Renaissance Culturelle africaine adoptée en janvier 2006 à Khartoum. Ce Protocole est actuellement soumis à l’appréciation de la Commission de l’Union Africaine en vue de sa reconnaissance par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement ;
- Du modèle de Loi portant Code d’Ethique et de Bioéthique pour permettre à tous les Etats membres de l’Union Africaine de disposer d’un instrument juridique étoffé, susceptible d’adaptation pour l’élaboration d’autres codes relatifs à divers domaines de l’Ethique et la Bioéthique ;
- D’un modèle de Termes de Référence pour que tous les pays membres de l’Union Africaine disposent d’un Code de Santé Publique;
- De la mise en place des Plateformes Africaines d’Ethique, rassemblements de compétences et de capacités sans frontières, en concertation et en dialogue pour débattre des questions de Bioéthique (forum du COPAB), de santéy compris la mise en œuvre de la Déclaration d’Abuja et le Plan stratégique de l’Union Africaine pour la lutte contre le sida (forum du COPAS : congrès panafricain des acteurs de santé) et des valeurs humaines fondamentales et universelles y compris la gouvernance (forum national d’éthique).
- La mise en œuvre de la Résolution de l’OUA/UA sur la Bioéthique et le Développement de l’Afrique constitue ainsi une réponse à l’exhortation à contribuer à soulager les communautés souffrant des questions extrêmement graves « concernant la justice, la libération, le développement et la paix dans le monde » telle que élaborée dans Ecclesia in Africa à son paragraphe 68.
Des réalisations du COPAB : Programme d’Education Communautaire en Bioéthique
La lecture bioéthique des enseignements de l’Encyclique Evangelium Vitae et leur approfondissement dans les Exhortations Apostoliques Post Synodales Ecclesia in Africa et Africae Munus ainsi que leur matérialisation dans la Charte des Personnels de la Santé publiée par le Conseil Pontifical pour la Pastorale des services de santé, constituent la base du Programme d’Education Communautaire en Bioéthique que le COPAB offre aux communautés catholiques de base pour la vulgarisation du paradigme de la bioéthique.
Pour ce faire, le COPAB s’appuie sur l’expertise d’une équipe de prêtres spécialisés en bioéthique, responsables de l’enseignement de la bioéthique au sein des institutions universitaires catholiques.
La stratégie retenue à cet effet est la causerie éducative, sous forme de conférence réalisée par un panel de spécialistes composé d’hommes d’Eglise, de Sciences et de dignitaires communautaires.
Les premières rencontres ont été hébergées dans le campus de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC) à Yaoundé. Leur exécution dans les milieux universitaires sera suivie de causeries dans les Paroisses et les milieux communautaires des villes et des villages. En effet, il devient urgent de garantir l’éveil des consciences comme activité citoyenne au sein des communautés de base, pour prévenir les dérives de certaines activités de recherche ainsi que la consommation dans l’ignorance des déchets toxiques culturels qui sont de plus en plus présentés aux Africains comme des exemples de modernité et de progrès.
Le défi majeur du développement de ce programme réside en l’atteinte de toutes les couches de toutes les communautés, pour raviver les us et coutumes propres à la protection et la valorisation de la vie, dans les mémoires collectives des communautés et rappeler ainsi la semence de Jésus – Christ dans le sein de leur terre nourricière.
De la bioéthique et des droits de l’homme
L’initiative participe de la volonté des Fils de l’Afrique de répandre le sel dans le monde, de sortir la Lumière de dessous le boisseau, car il s’agit d’une bioéthique à la confluence de l’anthropologie chrétienne et de l’anthropologie africaine, ancrée sur le socle du respect de la sacralité de la vie et de la loi naturelle. Une bioéthique fécondée sur le socle des vertus des traditions historiques et les valeurs de la civilisation africaine qui doivent être prises en compte lors de la conception des Droits de l’Homme en Afrique et dans l’ensemble de la communauté internationale. C’est dire que les Droits de l’Homme doivent intégrer les cultures et traditions africaines d’attachement des peuples africains à la famille, à la morale, aux valeurs traditionnelles et à la sacralité de la vie si chers aux enseignements de l’Eglise.
Engagement auprès de l’Eglise
Le COPAB sollicite l’Institution de l’Eglise comme partenaire privilégié, notamment dans l’enseignement, la recherche et la formation des consciences. La Reconnaissance de l’Afrique comme « le poumon spirituel pour une humanité en crise de foi et d’espérance » (Encyclique Africae Munus p.11) est pour le Mouvement Africain d’Ethique et de Bioéthique, l’exhortation à redoubler d’ardeur. L’avènement « d’un Espace Ethique Intégré sur l’ensemble du Continent africain » en application de la Résolution de l’OUA/UA sur la Bioéthique et le Développement de l’Afrique, est le gage de la promotion de la paix, la justice et le développement harmonieux durable.
L’initiative du Mouvement Africain d’Ethique et de Bioéthique participe de son engagement, auprès de l’Eglise, à arrêter l’épidémie de « l’éclipse du sens de Dieu et du sens de l’homme, caractéristique du contexte social et culturel dominé par le sécularisme… et ses prolongements tentaculaires, » et celle de « la violation systématique de la loi morale, spécialement en matière grave de respect de la vie humaine et de sa dignité… qui produit l’obscurcissement progressif de la capacité de percevoir la présence vivifiante et salvatrice de Dieu. » (Evangile de la Vie p. 34).
BIBLIOGRAPHIE
1°- Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus, Libreria Editrice Vatican
2°- Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa Libreria Editrice Vaticana
3°- Evangile de la vie Cerf/Flammarion Paris, 1995
4°- Rapport d’Activités de la CBS 1990-2008.
5°- Rapport général des travaux de la 2ème édition du Congrès Pan Africain de Bioéthique (COPAB), 2010.
——————————————————–
http://www.genethique.org/?q=node/4770&dateyear=201003
http://s4.e-monsite.com/2011/07/22/41969187rapport-final-2eme-copab-pour-les-institutions-pdf.pdf
http://fiamcafrica.blogspot.fr/2013/01/culture-de-la-vie-en-afrique.html
http://www.cerbafaso.org/textes/bioethique/html.index.htm
http://www.cerbafaso.org/textes/DEA_Tese/these_bioethique_jacques%20simpore_jacques.pdf